Texte de Yann Jomier

L’album des 100 bougies ! Un siècle de rencontres et de partage !

Le cadeau d’anniversaire de maman pour ses 100 ans.

Quelle meilleure illustration que tous ces témoignages rassemblés dans ce livre collectif, illustration de sa vie où l’accueil de tous et l’engagement pour les autres ont été des points de repères cardinaux.

Extrait d’un témoignage parmi tous :

« Mamy Rosnarho, c’est une Mamy qui accueille et qui rassemble, qui écoute, qui partage et qui plaisante… », que dire de plus…

…oui Maman était une personnalité affirmée, convaincue, lumineuse, à l’entrain contagieux et naturellement positive, empreinte d’une humanité optimiste.

Dans le sillage de notre grand-mère, la volonté de Maman et Papa était de faire de leur maison un lieu où chacun se sente bienvenu, ambition qui n’aurait pu exister sans l’aide de toutes les personnes qui ont travaillé pour eux.

C’était l’accueil de leur famille bien sûr, avec une table ouverte et sans cesse élargie aux amis, aux amis d’amis, mais aussi, et parce que le lieu s’y prête, à l’organisation de grandes fêtes familiales, où la jauge n’était jamais à moins de 100, pour les mariages, noces d’or, de diamant… ou pour de faux motifs qui créent de vrais occasions, Besnard Party, 150 ans de Rosnarho…

Mais leur projet, c’était aussi le partage de la vie familiale pour des semaines, des mois ou des années, au-delà du cercle familial. Ainsi avec des jeunes vietnamiens ex boat-people reçus, parfois en nombre, pour les vacances, Mais aussi de jeunes cambodgiens arrivant de camps de réfugiés accompagnés sur la durée, dans leur vie quotidienne et dans leur formation, ou encore des sortants de prison, accueillis le temps nécessaire pour rebondir vers un retour à une vie sociale !

L’accueil, c’était encore d’offrir année après année, depuis « toujours », un lieu de camp à des guides et des scouts, volonté partagée des parents d’aider ce mouvement chrétien d’éducation.

L’époque et les choix de vie de nos parents, Maman ne travaillant pas, en plus de permettre à chacun de leurs enfants de grandir dans une ambiance fraternelle, lui ont permis de se tourner résolument vers les autres par des engagements concrets et très actifs. En écho aux Ames Vaillantes, mouvement catholique de jeunesse, qu’elle a animée à Crac’h avant son mariage, elle s’engage dans l’ACGF (action catholique générale féminine), consacre du temps à l’alphabétisation des travailleurs immigrés à Hagondange, puis à l’accueil de migrants à Metz, ceci en parallèle d’une activité de bibliothécaire à l’hôpital puis à la Maison d’Arrêt de Metz, premier contact avec l’univers carcéral dès les années 1975… Un peu iconoclaste pour une femme à cette époque où Badinter se battait contre la peine de mort et où une partie de la société s’érigeait contre tout confort en prison…

Ce non conformiste, maman l’a poussé plus avant encore en s’engageant comme visiteuse de prison, d’abord à la Maison d’arrêt de Metz, puis à Bois d’Arcy, à la maison centrale de Poissy, avant de se consacrer aux détenus du centre de détention de Lorient-Ploemeur, ceci jusqu’à 76 ans, dépassant même la limite d’âge. Elle était soucieuse de maintenir ou rétablir le lien des détenus avec le monde extérieur et avec leur famille.

Militante engagée, membre du Conseil d’Administration de l’ANVP (Association Nationale des Visiteurs de Prisons), elle est allée jusque sur des plateaux télévision d’émissions de grand public pour témoigner de son expérience et inviter à porter un regard d’humanité sur ce public laissé en marge de la société.

Enfin, on peut affirmer que sa foi en Dieu irriguait sa vie de femme, en témoigne ses engagements dans des mouvements chrétiens, sa vie de parent ayant eu à cœur de transmettre cet héritage à sa famille, sa vie de membre de l’Église en consacrant du temps à la Paroisse de Crac’h.

Je conclurai par cette phrase extraite d’un courrier que m’a écrit Maman à l’occasion de ma prestation de serment de magistrat et qui peut être vient nous expliquer un de ses ressorts : « N’ouvre jamais la porte au découragement, et dans le doute, appuie-toi sur ta Foi ! »

Aujourd’hui, même si l’émotion est présente, il n’est pas possible que ce jour ne soit que tristesse, simplement parce que Maman a montré une grande sérénité face à cet ultime traversée, sûre d’être attendue sur l’autre rive !

Texte lu par Yann Jomier à l’église de Crac’h lors de la cérémonie d’enterrement, pensé collectivement avec sa famille.